Classement Subjectif : 1ère position
Beau, grand, fin et pétillant. Julieta mérite tous les honneurs.
Julieta, non content d’être du grand Almodóvar (après une sorte de petit “passage à vide“) est également une grande démonstration de cinéma. La réalisation de Pedro oeuvre ici à une parfait adéquation avec le propos, les sentiments, du film.
Ce dernier se déroule en grande majorité dans le passé - on parle bien ici d’une femme qui se souvient de passages de sa vie - mais semble évoluer (vivre) dans l’instant de par sa réalisation “hyperactive“ et les nombreux artifices qu’elle développe. La véritable héroïne du film, c’est bien Julieta du passé (Adriana Ugarte, une actrice quasiment inconnue parachutée depuis la télévision espagnole… pour notre plus grand plaisir, bien sûr) ; Julieta d’aujourd’hui n’étant de fait qu’une sorte de double du réalisateur : elle se souvient, constate et raconte.
L’air de rien, Julieta est un drame psychologique (tout de suite les grands mots !). Sous couvert de montrer une situation idyllique, il se développe peu à peu dans une direction inquiétante… mais toujours discrète, si bien qu’il faut faire un effort pour se rappeler la situation initiale : l’héroïne est bien seule et sans enfant à Madrid. Quid, alors, de tout ce fantastique conte sous nos yeux ? C’est là que le film trouve tout son intérêt, dans son cynisme profond.
Ce qu’Almodóvar nous montre n’est plus, et l’alternance des époques (dans une temporalité floue, à l’image de souvenirs) fait d’ailleurs écho à un motif important dans la vie de son héroïne : ses relations sont fluctuantes, épisodiques. Les êtres les plus importants de sa vie vont et vient autour d’elle, à l’image de son mari qu’il la trompe, ou encore de sa fille qui la quitte.
Tout cela peut également ne pas être montré. Ce qui n’est pas dans le film a autant d’importance que ce qui est. De nombreux passages sont suggérés - où n’est-ce qu’une modélisation de mon esprit ? - mais pas développés, si Julieta ne souhaite pas s’appesantir sur des sujets qui ne sont pas à cause de son mal ; ou qu’elle ne sait pas, tout simplement.
Le film suit son cours, et soudain, un passage - dont le film tire d’ailleurs son affiche - incroyable. Par une simple prestidigitation, un passage sous une serviette, Almodóvar fait le lien entre les deux Julieta : elle vieillit, à la fois subitement et simplement. Et c’est là, à ce moment précis que je me suis rendu compte de tout le génie de ce que je venais de voir. Elles ne font en fait qu’une, tout simplement parce qu’elle a porté le poids de ces (ses) événements tout au long de sa vie.
Comment ne pas parler de la photographie si caractéristique des films de notre réalisateur espagnol préféré ? Dès l’ouverture, on est jeté dans un tourbillon de couleurs qui contraste avec la lividité de l’héroïne du présent ; ensuite, ce sera au personnages du passé d’être eux mêmes des couleurs - à l’image de la blondeur platine de la jeune Julieta, au moment de sa rencontre avec Xoan -
La fin, elle, définit tout simplement une règle bien trop souvent oubliée : les films ne sont pas des solutions. Ils peuvent être cathartiques, mais ne demeurent que des chroniques d’un moment, limités à leur espace-temps. Ainsi, Julieta ne se termine pas : il se s’arrête un temps avant sa résolution. Pas désespéré, simplement réaliste : si résolution il y a, ce sera pour un autre film. Et c’est là, qu’est la qualité, dans l’humilité.
Julieta l’oeuvre cinématographie de l’année 2016 avec le plus sens méritait donc cette première place, ce qu’il y a derrière les images étant oublié par de trop nombreux “techniciens du visuel“.
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