Kaiserin Diane, erhaben

In the Fade (Aus dem Nichts), un film de Fatih Akin 

avec Diane Kruger 

Le film s’ouvre sur un mariage dont on se rend peu à peu compte qu’il se déroule en prison. Dès les premières secondes, Fatih Akin impose un souffle épique à l’imagerie de son long métrage, qui ne le quittera ensuite plus. 
Car si ce qu’In the Fade étudie - mais ne justifie pas, néanmoins - peut être questionné, sa qualité en tant qu’oeuvre cinématographique, elle, est indubitable. In the Fade traite de la justice dans sa version la plus archaïque : la loi du talion. 
Dans son désir de vengeance, c’est bien la maxime “oeil pour oeil, dent pour dent“ qui est appliquée par Katja Sekerci, le personnage interprété par Diane Kruger. Toutefois, en se plaçant au delà d’une simple vengeance, c’est dans la représentation de la douleur d’une mère (et d’une épouse) que le film et son interprète principale excellent. 


Dans un attentat causé par la haine raciale, on [des néo-nazis] lui a pris deux vies : son fils et son mari. Il se trouve que, même s’il n’y a de doute pour personne sur l’identité des assassins qui n’ont tout de fois pas le courage de revendiquer leur acte, la justice allemande échoue à sanctionner les coupables ; Katja, qui jusque là s’accrochait à l’espoir d’une condamnation, en vient à prendre à son tour les vies des assassins. Elle choisit pour ce faire l’exact même artifice, la même cruauté (elle se procure les plans de la bombe artisanale qui a tué sa famille pendant le procès).


In the Fade questionne simultanément la justice réelle dans le système actuel - ainsi que la montée d’une extrême-droite “légale“ en Allemagne - et la représentation cinématographique de la justice. Au cinéma, la majorités des “revenge-movies“ (Old Boy, Gladiator ou le plus récent Message From the King, entre autres) se lancent directement après l’exposition dans la quête de justice personnelle de leur personnage. Ici, ce n’est que lorsque tout - sauf peut-être une condamnation par la Justice officielle - dénonce les coupables, deux néo-nazis ostensiblement fiers [défendus par un avocat montré comme grossièrement sournois, sans doute le seul point négatif du film] et que le personnage principal n’a plus d’autres raison de vivre que la quête démarre. 
La puissance de la composition d’une scène de quasi-suicide dans une baignoire, qui pourrait n’être que de l’esbroufe visuelle si elle n’était pas justifiée, ou mieux, nécessaire comme une transition. Comment ne pas penser au suicide de Frank Pentageli dans Le Parrain II ? Au cinéma, la salle de bain est un lieu transitoire, de The Shining à La Famille Tenenbaum en passant par Full Metal Jacket. Le personnage qui y entre n’en ressort pas indemne. 

Diane Kruger est magistrale. Jamais on ne lui a connu une telle intensité ; on ne peut que lui espérer de poursuivre sur cette voie. Un prix d’interprétation à Cannes pour le premier rôle allemand… d’une allemande ; était-ce aussi simple que cela ? Les jurys apprécient de toute façon les personnages déchirés, les interprétations nécessitant d’oublier le statut d’acteur pour se fondre pleinement dans le rôle. La récompense accordée aux côtés de Diane Kruger à un Joachim Phoenix écorché dans You Were Never Really Here en est la confirmation absolue.  
Le personnage de Katia est évidemment magnifiée par le regard du réalisateur, qui impose une imagerie d’abord et puis un rythme. In the Fade, c’est tour à tour : 

Katja affrontant sa douleur ; 
Katja face à son dilemme moral ;
Katja et son parcours incontrôlé, ses hésitations ;
Katja, sa résignation ;
Diane, sublime pendant 106 minutes. 

Enfin, l’intensité des derniers instants du long métrage ; l’hésitation et l’engagement qu’ils provoquent chez le spectateur. 
Fatih Akin joue à la fois avec les valeurs culturelles du spectateur et les codes cinématographiques du thriller : jusqu’à la dernière seconde, il est impossible pour le spectateur d’être certain de ce qui se déroulera sous ses yeux.  Lorsque le fondu au noir final tombe, comme un couperet, il n’en a que le souffle coupé.

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