Famille, sacrifice, maestria : Yórgos Lánthimos
Mise à mort du cerf sacré, un film de Yórgos Lánthimos
avec Nicole Kidman, Colin Farrel, Barry Keoghan
Comme une évidence, après plusieurs oeuvres sur le thème des relations humaines et plus particulièrement familiales (Canine et The Lobster, tous deux primés à Cannes), Yorgos Lánthimos a cette année offert à la Croisette un film profondément lié au mythe d’Agamemnon. Famille et sacrifice dans la même phrase, donc ; on en viendrait presque à se demander pourquoi il n’y a pas pensé plus tôt.
Il étudie cette fois-ci les rapports entre un père de famille et un enfant orphelin qu’il a pris sous son aile, et la façon dont ce dernier vient s’immiscer dans la sphère familiale originelle.
Esthétiquement, Lánthimos choisit de se placer dans un niveau ‘supérieur’ de réalisation.
D’une certaine manière, Canine souffrait d’être filmé comme le film d’auteur indépendant à petit budget qu’il était. Ici, Lánthimos peut se permettre de mettre la mise en scène au service de son propos et atteint se faisant une rigueur quasi-kubrickienne. Chaque cadre a un, plusieurs sens, chacun des lieux des tournages est choisi à dessein et la caméra sait exactement ce qu’elle fait. Ajoutez à cela une direction d’acteur au millimètre, et obtenez des acteurs/personnages sont systématiquement filmés dans un état d’absolu. Ils sont entièrement conditionnés à un univers qu’ils subissent.
Le personnage que compose Barry Keoghan est tout simplement indescriptible. Les mots ne permettraient pas de retranscrire ce que l’ont ressent face à lui, malgré le fait qu’il ne soit pourtant rien de plus qu’une image projetée sur un écran.
Lánthimos retrouve donc, après avoir pu littéralement tout se permettre dans le monde dystopique ouvert de The Lobster, un naturalisme plus profond, plus dérageant. Ses personnages évoluent dans notre univers, et il s’autorise désormais tout grâce à un dantesque cynisme. L’irrationnel entre en jeu. Ni les personnages, ni le spectateur ne peuvent agir contre le fatum, ils n’ont plus d’échappatoire.
Ils sont face à l’horreur pure, sans filtre - vous savez, le fameux « ce n’est qu’un film » ? - et sans possibilité d’influer ou même fuir.
L’immersion est totale, la narration est cruelle, sans concessions. Pas de fioritures, chaque nouveau plan est un pas aseptisé de plus dans l’effroi. Le final n’en sera que plus grandiose.
Mise à mort du cerf sacré fait sans conteste partie des oeuvres cinématographiques les moins complaisantes de l’année 2017. Que l’on adhère ou non au cinéma se voulant “radical“, il s’agit de vivre l’expérience et de se laisser emporter. (N’y allez pas en famille).
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