[Billet] « Amis » américains (Février 2020)




Deux films basés sur des personnages réels et leurs faits d’armes réalisés par deux pointures du cinéma américain. Deux films également mornes et décevants, de deux réalisateurs qui ne se remettent pas en question. À gauche comme à droite, la prise de risque est minime et les ficelles sont énormes. 

Les eaux sombres de Todd Haynes

Dark Waters est un projet honnête, difficile de le nier. L’épopée de Robert Bilott, un lanceur d’alerte, portée à l’écran par la volonté d’un Mark Ruffalo dont l’engagement politico-social n’est plus à prouver. Un film à charge contre une multinationale que Mark finance avec le salaire versé par une autre multinationale (Marvel, pour son interprétation de Bruce Banner) : bien joué. Dark Waters donc, un film sur le combat de Bilott contre DuPont et son mortel Teflon. 

Premier écueil, Todd Haynes est chargé de la réalisation. Haynes est un réalisateur dont les velléités intellectualisantes demeurent en tous points hollywoodiennes : il ne fait jamais dans la finesse, surtout pas question pour lui de suggérer quoi que ce soit. Il dit tout, montre tout, jusqu’à ce que soit trop. Robert Bilott change de paradigme en deux minutes montre en main. Les paysans sont très très plouc ; les malades sont très très malade ; les industriels sont très très méchants. Même le montage et le séquençage sont lourdingues. 
On est sur une hybridation de Zodiac et Spotlight : un genre d’enquête laborieux où le personnage principal souffre sans résultats - le spectateur avec. Par ailleurs, une fois n’est pas coutume dans le cinéma américain (cf. le récent First Man, par exemple), notre héros est affublée d’une épouse qui, résignée, le regard s’agiter dans tous les sens en s’occupant des gosses.

Le meilleur moment de ces sombres eaux reste le plus absurde : une autoroute, un panneau « Welcome to West Virginia » et John Denver à la radio, évidemment. Bilott est originaire de Virginie Occidentale. Vous l’avez ?


Moutain Mama.

Le héros de Clint Eastwood

La Mule n'était apparemment qu'un éclat de vitalité passager. Il aurait pu conclure sa carrière sur un succès, mais Eastwood est de retour avec un film fait uniquement de l’idéologie libertarienne qui lui est chère ; elle est  ici entourée d'un tout petit peu de cinéma, pour la forme. 
La capacité du cow-boy de 94 ans à produire un film par an à son âge l’honore ; on est certes loin de la catastrophe 15h17, mais pour autant bien engagé sur la pente nauséabonde d'American Sniper et Sully. La « trilogie du Redneck » devient tétralogie, un cycle en fait si l’on y inclue La Mule.


Clint déteste l’Etat interventionniste les policiers (mais pas la Police, allez savoir), et les journalistes (et la presse, par contre) et n’hésitera pas à le marteler pendant plus de deux heures, quitte à s’arranger avec la réalité. On n’est pas loin de la post-vérité trumpienne ; il utilise pourtant paradoxalement des images d’archives par moments. 
Le film en lui-même n’est pas essentiellement mauvais - simplement d’une rare lourdeur - malgré une construction bancale. Une inutile et interminable exposition du personnage retarde pendant un bon tiers de la durée totale de pellicule le moment de l’attentat. Cette séquence étant particulièrement bien mise en scène, comme l’était la séquence-clé de Sully d’ailleurs, il faut bien le reconnaître. Elle sait en tout cas ce faire attendre, puisqu’il s'agit pour Clint de montrer à quel pont le parcours problématique de Richard Jewell en fait le coupable idéal. 

Un argument en la faveur d’Eastwood, tout de même : le choix et la direction des acteurs et peut-être surtout des seconds rôles : Jon Hamm, Kathy Bates comme Sam Rockwell sont tout à fait brillants.


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