Carnets du FIPADOC - Une cravate bien nouée
Après avoir scruté la Manif pour tous dans La Sociologue et l'Ourson, Étienne Chaillou et Mathias Théry s’intéressent pour leur second film à la trajectoire de Bastien, militant du Front National dans la Somme. Le résultat, La Cravate, est un documentaire à la trame atypique.
Bien que centré sur le parti majeur de l’extrême-droite française, La Cravate a une certaine facilité a s’en éloigner et à généraliser son propos. Le documentaire pose la question de la fascination que la politique peut exercer sur un jeune homme en mal de reconnaissance : Bastien, le personnage principal, a arrêté ses études, cherche plus ou moins à se ranger, en tout cas à trouver sa place.
Pour lui, la politique permet d’être quelqu’un ; de les côtoyer, ces « quelqu’un(s) », également. Quelqu’un de bien habillé, avec si possible un costume d’une autre couleur que le noir puisque « ça fait vigile chez Carrefour ». Quid, alors, du regard qu’une partie des Français porte sur le FN ? Sur les marchés samariens, les critiques, Bastien ne les relève pas. Les réalisateurs non plus, d’ailleurs : de tels moments n’apparaissent pas dans le documentaire.
Pour lui, la politique permet d’être quelqu’un ; de les côtoyer, ces « quelqu’un(s) », également. Quelqu’un de bien habillé, avec si possible un costume d’une autre couleur que le noir puisque « ça fait vigile chez Carrefour ». Quid, alors, du regard qu’une partie des Français porte sur le FN ? Sur les marchés samariens, les critiques, Bastien ne les relève pas. Les réalisateurs non plus, d’ailleurs : de tels moments n’apparaissent pas dans le documentaire.
Ensuite, le documentaire interroge plus en avant ce que peut signifier de s’engager pour le FN. Bastien ne milite pas dans la ville où il vit et travaille ; son employeur précédent, une fois mis au courant, n’avait pas reconduit sa période d’essai. Il n’assume donc qu’en restant vague, dit faire de la politique sans jamais être trop précis. D’ailleurs, le film le pose clairement dès les premières minutes : dans la hiérarchie du parti, il se trouve en dessous de son ami qui a fait une école de commerce. Il en souffre, et souffre de la nécessité implicite de faire ses preuves. Le fonctionnement du parti semble pour autant obscur, sinon tribal.
Les réalisateurs relèvent les affrontements internes, les faiblesses idéologiques. Il est assez incroyable pour le spectateur de se rendre compte que l’on a confié sur ce qui semble être un coup de tête la direction de la communication de Florian Philippot sur YouTube à Bastien, militant qui avait simplement déclaré « s’y connaître en buzz sur internet ». C’est d’autant plus croustillant en se remémorant l’échec qui s’en était suivi.
Un regard parfois légèrement normatif
Enfin, le film d’Étienne Chaillou et de Mathias Thiéry inclut en quelque sorte une réflexion sur ce qu’il dit – et ne dit pas. De même que le scénario apparaît physiquement lorsqu’il est lu par Bastien pendant des entrevues postérieures au tournage, les réalisateurs sont présents dans le film. Une voix-off – celle de l’un d’entre-eux – vient régulièrement donner leur vision des situations qu’ils ont vécues.
Le film est donc émaillé d’entretiens avec son protagoniste, qui viennent entrecouper les séquences issues de la vie réelle. On observe Bastien réagir à un regard parfois légèrement normatif des réalisateurs, apporter des précisions mais ne jamais se dédire. Son droit de regard est à peine utilisé, en définitive ; on le verra nuancer du bout des lèvres, préciser que telle ou telle saillie raciste relevait de la blague… Toutefois, le fait de revoir ses actions colorées d’un regard extérieur semble le faire réfléchir et parfois tressaillir.
Le film est donc émaillé d’entretiens avec son protagoniste, qui viennent entrecouper les séquences issues de la vie réelle. On observe Bastien réagir à un regard parfois légèrement normatif des réalisateurs, apporter des précisions mais ne jamais se dédire. Son droit de regard est à peine utilisé, en définitive ; on le verra nuancer du bout des lèvres, préciser que telle ou telle saillie raciste relevait de la blague… Toutefois, le fait de revoir ses actions colorées d’un regard extérieur semble le faire réfléchir et parfois tressaillir.
La Cravate se fait donc en quelque sorte méta réflexion sur l’impact que peut avoir un documentaire sur son sujet. Celui-ci, déstabilisé, en vient jusqu’à se demander dans les dernières minutes : « je suis un connard, c’est ça ? ». Le narrateur ne répond pas, mais a certainement sa petite idée sur la question.
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