Le coeur serré


Capharnaüm, un film de Nadine Labaki 
avec Zain Alrafeea, Yordanos Shifera, Boluwatife Treasure Bankole


Larmes abondantes et applaudissements prolongés : Capharnaüm est sans aucun doute le film qui a suscité le plus d’engagement émotionnel chez les festivaliers cannois cette année. 
Comme la bande-annonce le laisse si bien présager (avec pertes et fracas), le jeune Zain attaque ses parents en justice “pour l’avoir mis au monde” : il sera donc dans Capharnaüm question de suivre la vie insoutenable de cet enfant et de comprendre ce qui l’amène à intenter un procès à ses parents. D’ailleurs, symboliquement, son avocate est interprétée par Nadine Lababki, la réalisatrice - qui n’oublie pas de se faire jeter au visage par la mère de Zain qu’elle “ne connaît rien à sa vie” et n’est donc pas en capacité de juger. Malin. 

Le 17 mai 2018, le mot “misérabilisme” a été réhabilité pour l’occasion par les festivaliers les plus critiques qui en on ensuite usé et abusé jusqu’au terme du festival où Capharnaüm a finalement remporté le Prix du Jury. Capharnaüm ne satisfait pas tous les publics, mais il demeure évident que la volonté est plutôt de dénoncer. Les moyens employés pour ce faire sont certes dantesques (et la durée du film conséquente, il accuse ses deux heures) mais la complaisance n’est pas de la partie. 

Le plus intéressant dans ce film - pour qui n’a pas de cœur, comme le rédacteur de cet article sans aucun doute - demeure le “capharnaüm” évoqué dans le titre. Beyruth est filmée comme un monstre aux multiples facettes, plus terribles les unes que les autres, dans lesquelles Zain est systématiquement désorienté, en proie aux éventualités les plus atroces. Il est enfermé dans le cadre (un très beau 2,35:1 au demeurant), cerné par le mixage sonore et le montage ne lui laisse pas une seconde de répit : l’immersion est absolue et terrifiante. Zain est livré à lui-même, ceux qu’ils rencontre sont autant d’ennemis, tout peut arriver et le public le sait : le film est particulièrement efficace à ce niveau. Il endosse un véritable statut de drame en s’éloignant du “film social” qu’il aurait pu rester par facilité. 

On ne peut finalement que regretter que le nombre de ses péripéties et par conséquent la durée générale du film ; on en vient presque à douter de ces mésaventures tant il semble que l’engrenage sordide n’ait pas de limites. Le trop se révélant comme souvent ennemi du bien, faire plus court aurait pu être plus percutant. 

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