UNDER THE SILVER LAKE
Under the Silver Lake, un film de David Robert Mitchell
avec Andrew Garfield, Riley Keough, ...
David Robert Mitchell se meut avec une aisance presque outrancière entre les genres. Après le teen-movie pur - et auto-réflexif - The Myth of the American Sleepover (2010, inédit en France), le slasher éthéré It Follows (2014, présenté à Cannes et Grand Prix au Festival de Géradmer) il nous offre ici avec Under the Silver Lake un néo-noir d’excellente facture. Ces films ne se limitent cela dit jamais à un genre unique, le réalisateur parvenant à les emmener dans une pléthore de directions différentes. Seule constante dans ses long métrages, David Robert Mitchell met en scène la jeunesse, et surtout, des personnages en mal de repères, d’idoles : des héros adolescents confrontés à quelque chose qui les dépasse.
Sam, le personnage principal incarné par Andrew Garfield (qui a tout de même 34 ans) ne fait pas exception à la règle. S’il a clairement une quinzaine années de plus que les personnages de The Myth of the American Sleepover, il aurait des leçons à leur donner en termes de glandage : lorsqu’eux avaient tout de même de “vrais“ problèmes (si, comme ce grand escogriffe qui ne savait pas de laquelle des soeurs jumelles il était amoureux) sa principale interaction sociale de la journée post élément perturbateur et ne fait pas grand chose de ses journées sinon épier aux jumelles sa voisine âgée qui bronze topless. Il ne semble pas avoir de travail, malgré un appartement clairement au dessus de ses moyens et des accès dans tous les fêtes d’Hollywood. Andrew Garfield donne corps à ce personnage ahuri et curieux qui accorde beaucoup trop d’importance à ce qui aurait pu n’être qu’une hallucination.
David Robert Mitchell compose quant à lui un univers de chairs, sons et lumières qui se mélange, sa vision d’une Los Angeles 1.1 labyrinthique faite de fêtes et de gueules de bois où la vie normale ne semble pas avoir cours. Sa réalisation est toujours impressionnante et parvient à retranscrire des impressions quasi physique ; la photographie est sublime.
À partir de l’instant où Sam se lance dans une tentative désespérée de retrouver la jeune fille du soir précédent, le scénario prend la forme d’un jeu de piste, à la fois très réglé comme dans un thriller classique et foncièrement irrationnel dans son déroulé. Il va s’agir de déterminer ce qu’il se cache under the Silver Lake (à la fois le nom du quartier de Los Angeles où se situe l’action et celui du lac ou plutôt du réservoir artificiel - construit par l’homme, donc : qui sait ce qu’on pourrait trouver en dessous ? - qui se trouve en son centre. C’est également le nom d’un zine local qui regroupe les légendes morbides du quartier. Des légendes auxquelles il pourrait bien avoir affaire, tant la frontière entre réel et imaginé est fine derrière la caméra de David Robert Mitchell. Pour Sam, une grande partie des événements du film font référence à quelque chose qu’il a déjà vu, a des éléments issus de son imaginaire.
La “pop culture“ est ainsi utilisée comme un moyen de résoudre l’énigme. Elle n’est pas une fin, comme dans Ready Player One : c’est ainsi qu’elle trouve tout son sens, ou plutôt une justification à l’absence d’une véritable signification. Cette pop culture - ces références de toute façon moins grand public que celles de RDO - est ce à quoi le personnage d’Andrew Garfield est habitué, ce avec quoi il est habitué à composer, ce à quoi il répond. La “chasse au trésor“ (littéralement) le concerne lui uniquement - ne semble intéresser personne d’autre - (il l’a peut-être même inventé, pour autant que nous sachions. Ce sont ses idoles adolescentes, il est plus ou moins resté à ce stade : c’est ce avec quoi il vit, à l’image du poster de Kurt Cobain qui trône au dessus de son lit et sur lequel ses yeux s’attardent trop pendant une scène de sexe. Une rencontre inopinée avec the Songwriter (sic.) viendra lui remettre les idées en place.
La chasse au trésor suit une logique qui ne fonctionne que dans cet univers, en accord avec ce personnage ; ou même dans le scénario de David Robert Mitchell uniquement : Sam décrypte un message, en vient à une conclusion puis se demande directement « ok what do I do with this? » ou encore « what the fuck does that mean? ». Même lui est systématiquement dépassé par les pièces de puzzle qu’il assemble avec une facilité déconcertante. Et c’est sans parler de ce final magistral qui place encore une fois le réalisateur (et le spectateur) dans le rôle de bourreau d’un Andrew Garfield hébété qui n’avait rien demandé et à qui on fait encore la leçon.
Under the Silver Lake est en bien des aspects (et principalement par la réflexivité envers le siècle de culture - et surtout, de cinéma - qui l’a précédé) le La La Land de cette année. Simplement, et c’est regrettable, le public ne semble pas s’en être aperçu.
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