OH HAI MARK


The Disaster Artist, un film de James Franco 
avec James Franco et Dave Franco


Comme le personnage qu’il incarne - et quel personnage - James Franco endosse à la fois les rôles d’acteur et de réalisateur : le parallèle est évident, mais on peut se demander si cela été pensé comme un hommage, comme un défi… ou même si cela a été pensé tout court. 

The Disaster Artist est certes plus qu’un simple conte de rêve hollywoodien brisé. En plus de l’histoire de la création de The Room (Tommy Wiseau, 2003) [film mythique s’il en est, qui est certainement en train de dérober son statut de pire film de l’histoire du Cinéma à Plan 9 from Outer Space (Ed Wood, 1959) pour la génération cinéphile actuelle], il traite également de la relation entre Tommy Wiseau et Greg Sestero. Il n’étudie malheureusement rien en profondeur. 

Autant le dire tout de suite, The Disaster Artist n’est pas « un des meilleurs films de l’année » comme le martèle son affiche française. Il est tout au plus efficace, sans faire de vagues. Il comporte cela dit plusieurs versions “James Franco“ des scènes mythiques de The Room qui valent réellement le détour… mais qui demeurent bien trop courtes et sporadiques.

Le film dresse le portrait d’un singulier personnage dont les frasques paraîtraient irréelles si l’on n’avait pas connaissance de son existence. De sa rencontre avec Greg Sestero à la premiere de The Room, tout y est. On y observe une certaine empathie envers le personnage de Tommy Wiseau (si c’est bien de l’empathie et non la condescendance d’un acteur installé, cf la tentative de prise de parole de Wiseau largement refoulée par Franco aux Golden Globes) ; il est filmé comme l’artiste candide, hyperactif et sûr de lui qu’il est, finalement. Avec le recul, il est toujours agréablement surprenant de constater à quel point un certain nombre d’êtres humains ont prit Wiseau au sérieux (ne serait-ce que dans un premier temps). 
Formellement, rien de bien notable si ce n’est un parti-pris de filmer les scènes de tournage comme un making-off, avec une caméra instable qui batifole ; ce qui était sur le principe une bonne idée devient lisse à l’écran puisque sans naturel : tout est joué. 

Tout cela est de fait un peu long puisque peu clair dans sa position. Franco adapte et édulcore le livre plutôt critique de Sestero mais oublie de donner une véritable direction, hésitant sans cesse entre envolées dans l’absurde et mélancolie cynique. Il est également légèrement hypocrite : le film se termine bien. Pire, sur un dialogue/message gnangnan. Alors que The Room a mis 10 ans à atteindre son statut culte, pendant que Tommy Wiseau faisait des pieds et des mains pour le montrer, allant jusqu’à payer un cinéma. 


Et Wiseau dans tout ça ? 

Il semble se satisfaire de ce succès. Que son personnage soit créé de toutes pièces ou que ce ne soit rien d’autre que lui, il est heureux d’être baladé de salles en salles pour présenter The Room - et maintenant The Disaster Artist ainsi que Best F(r)iends - tout en étant lui-même une curiosité. Du moins, il en donne l’impression. 

Cela dit, la question à laquelle The Disaster Artist échoue à répondre est celle du sens du rire. Très délicate au vu de l’ampleur du personnage et de la mythologie qu’il a construit autour de lui. De quoi rit-on dans The Room ? Rit-on à son insu, se moque-t-on de son univers peu compatible avec le notre ? 
Wiseau cherchait à faire du cinéma, et, bien sûr, à être connu par ce biais ; mais à présenter son art et sa vision du monde.  Malgré tout l’hilarité qu’elle a provoqué, sa vision du monde aura au moins été découverte par un grand nombres de personnes.
Une seule interrogation subsiste, et subsistera : que pense réellement Wiseau du succès de son film à l’exact inverse de ce comment il l’avait imaginé, son succès en tant que caricature ? Se satisfait-il d’être moqué ? Elle demeurera très certainement sans réponse. 

Ce n’est définitivement pas The Disaster Artist qui cherchera à répondre à cette question. Alors, pourquoi le film de James Franco existe-t-il ? Entre la documentation d’un désastre qu’il ne cherche ni à comprendre ou à expliquer et la prolongation - marketing, mais après tout, Tommy est un grand commercial - l’expérience The Room, il n’a jamais su choisir. Dommage pour le public.


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