Ceci n’est pas un film des frères Coen.

Three Billboards Outside Edding, Missouri 
un film de Martin McDonagh 
avec Frances McDormand, Woody Harrelson et Sam Rockwell 


Three Billboards est un film profond qui, en plus de proposer une satyre de l’Amérique profonde et de ses occupants, narre une histoire rythmée et cohérente. Il n’est bien sûr pas exempt de défauts inhérents à son genre, notamment des personnages unilatéraux, et souffre d’un passage à vide d’une vingtaine de minutes vers sa fin, mais reste dans l’absolu une belle manière de débuter l’année cinématographique 2018. 

Tout d’abord, son principal accomplissement est de réussir à étudier et détailler ses personnages secondaires aussi bien que de son personnage principal sans que les moments qui leurs sont consacrés soient asymétriques. Il devient fait un film choral tout en se concentrant sur une intrigue principale : les trois panneaux publicitaires à l’entrée de la ville reprenant du service. 
Dans le microcosme que forme la ville d’Ebbing, c’est principalement trois personnages qui feront l’objet de l’intrigue. Tous trois sont liés au meurtre et au viol d’une jeune fille survenu l’année précédente. La mère de cette dernière (Frances McDormand), le shérif de la ville (Woody Harrelson) et un jeune policier adjoint (Sam Rockwell, 100% redneck : raciste et aux méthodes discutables). Tous trois vont se heurter et se quereller sur l’affaire et son traitement. Tous sont plus ou moins monolithiques, dans le sens où ils ne se développent pas au-delà de comment ils sont définis à l’origine, mais cela n’enlève cependant rien à la crédibilité de l’oeuvre. 
Leurs interprètes sont nommés aux Golden Globe Awards, les deux hommes étant en compétition l’un contre l’autre, la récompense étant finalement remportée par Sam Rockwell… Woody Harrelson étant pourtant parfait alors que Sam Rockwell n’étant qu’excellent. De façon étonnante, Frances McDormand est à la fois celle dont la récompense a été la moins discutée et celle dont l’interprétation est la plus discutable : du fait de l’écriture de son personnage, elle évolue dans un manque absolu de nuances. Mildred Hayes, à peine éplorée mais toujours revancharde, est systématiquement d’une brutalité crue. 
Ensuite, cette volonté de Martin McDonagh de faire une étude sociologique aussi large que nette - tranchante - fait de Three Billboards est un film d’une densité rare. La quasi-totalité des pistes lancées par le déroulement sont développées. De la nouvelle compagne de l’ex-mari de Mildred au statut de nain du personnage de Peter Dinklage, toute saillie “non-conventionnelle“ est immédiatement exposée et traitée à chaud. McDonagh ne se refuse rien et va même jusqu’à dénoncer les viols commis par un vétéran au Moyen-Orient.
Three Billboards a, en fait, un étrange rapport à son intrigue : les panneaux ne sont finalement qu’un prétexte ; les personnages d’ailleurs y réagissent de manière extrêmement théâtrale, comme s’ils prenaient en compte le fait que cette situation soit digne d’un film. Mildred Hayes en viendra à témoigner de leur futilité. 
Tout cela dans une mise en scène appliquée, même un certain style. Le réalisateur, tout en mettant l’accent sur le fond, n’a pas délaissé la forme. Son long métrage est aussi rythmé qu’incisif moralement. 

Enfin, ce n’est pas un film des frères Coen, bien que tout le monde s’y laisserait prendre sans le savoir au préalable. 
De la réalisation à l’écriture en passant par les personnages, tout est coenesque. Au hasard, les similitudes avec Fargo (1996) sont plus que nombreuses. Cela dit, certains ont hâtivement crié avoir trouvé leur successeur… je choisirai plutôt d’y voir un compétiteur appliqué (dans tous les sens du terme… cinq ans sous les radars depuis son dernier film, quand même). 

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