Terrence Malick Greatest(s) Hit(s)

Song to Song, un film de Terrence Malick 
avec Rooney Mara, Michael Fassbender, Ryan Gosling, Natalie Portman, Cate Blanchett, …
mais aussi Iggy Pop, Patti Smith, Johnny Rotten, The Black Lips, Flea et Chad Smith, …
ainsi que Val Kilmer ou Jim Morisson (nobody knows)



Song to Song, c’est d’abord Terrence Malick au meilleur de sa forme, de retour parmi les cinéastes au fonctionnement synaptique ‘normal’ après le catastrophique Knight of Cups et le particulier Voyage of Time
Malick parvient à retrouver la recette qui a fait son succès, de Badlands à Days of Heaven ; sans pour autant tomber dans le “trop“, la caricature involontaire de lui-même. Celle la-même qu’il effleurait dans Tree of Life et dans laquelle il tombait la tête la première dans Knight of Cups. Vous savez, le tout visuel qui oublie d’avoir un sens et un propos ? 


Ici, Malick signe un manifeste du cinéma-expérience, qui permet au spectateur de vivre le 7ème Art. Tout en étant un trip, un moment cinématographique dans lequel on doit se laisser aller pleinement, baisser les armes et se laisser porter, Song to Song parvient à proposer une histoire, sorte de conte alternatif avec de véritables sujets. 

Tour à tour - ou plutôt conjointement - sont évoqués l’amour, le succès, l’art. 
Les rapports amoureux composent un motif qui évolue sans cesse entre double et triple, questionnant le couple et amenant toujours la figure de l’autre, troisième personne et composante essentielle. La jalousie et l’intérêt sont débattus ; les personnages font dans une symétrie absolue les mêmes erreurs chacun de leur côté. Malick articule son récit autour de trois personnages : Faye (Rooney Mara), BV (Gosling) et Cook (Fassbender) qui vivent une relation intense et particulière ; sans cesse remise en question. 
De fait, on retrouve au cœur de cette relation l’art et donc le succès. Tout semble intrinsèquement lié pour les personnages, au point où ils ne parviennent même pas à déterminer le bon du mauvais dans leurs actes. Faye, par exemple, est incapable de définir sa relation avec Cook : est-il son amant, ou son (futur) producteur ? L’amour fait-il partie de leur relation, ou ont-ils tous deux besoin l’un de l’autre pour arriver à leurs fins ? L’intérêt et le cynisme sont omniprésents, mais laissés à la libre interprétation du spectateur. 
Ce qui amène donc à l’esthétique, souvent décriée chez Malick. Beaucoup ont reproché à Song to Song son aspect “carte postale“ ou “publicité immobilière“, mais c’est en fait ce qui fait le corps du récit, sous-texte permanent mais jamais défini. Le trio se complaît dans un certain luxe - sans jamais en faire état -, mais il convient également de remarquer le dépouillement et l’impersonnalité de leurs lieux de vies. Une manière de proposer une toile de fond en osmose avec le propos, toile de fond qui en bien des aspects se fait personnage à part entière : personnification du succès. Le fait que beaucoup l’aient remarquée, tout aussi négativement que ce soit, prouve bien son importance dans l’oeuvre. 
À la photographie, Emmanuel Lubezki effectue encore une fois un travail incroyable, et signe une des meilleures esthétique de l’année cinématographique 2017. 

Dernier point, l’interprétation. Song to Song est un savant mélange d’apparitions incongrues de rock-stars (qui ont un message à délivrer, une leçon sur les thèmes évoqués plus haut… ou simplement une présence*) et de performances de trois acteurs très “sensoriels“. Autrement dit, qui ne brillent pas d'habitude par leurs performances d'acting, mais plutôt par leurs présences. Mara, Gosling et Fassbender, même s’ils sont des personnages bien définis restent toujours très perceptibles. La frontière entre cinéma et réalité est plus fine que jamais. La voix-off de Rooney Mara ne saurait que le confirmer. 
* astérisque réservée exclusivement à Val Kilmer, bref interprète d’un Jim Morisson halluciné et hallucinant. 



Seule une interrogation sur le titre subsiste. S’il apparaît évidemment comme le point de départ du projet, excellent titre de travail, il n’est pas tout à fait représentatif du film. D’ailleurs, le titre de travail original, “Lawless“, bien qu’un peu moins métaphorique, donne une vision plus assurée de ce qu’est le long-métrage. Même si la musique y tient une place centrale, les changements d’un état à un autre apparaissent comme tellement fluides, imprévisibles et imperceptibles qu’ils ne peuvent pas être qualifiés de morceaux, même faisant partie d’un tout. Un tout donc, un opéra baroque proposant une des réflexions très intimistes sur la vie chères à Malick.  

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