(ne) tirez (pas) sur le Besson
Valérian et la Cité des mille planètes, un film de Luc Besson
avec Dane DeHaan et Cara Delevigne
Si je me suis rendu dans la salle de Valérian pour constater le décès du modèle de production Besson (après Lucy, il semblait que tout était fini pour lui…), il se trouve qu’en définitive mon a priori négatif s’est au cours de la projection mué en une sorte d’étonnement : Valérian n’est pas un mauvais film.
Du moins, il n’est pas un mauvais blockbuster. Luc Besson a fait bien pire, le siècle des majors et de Transformers a fait pire également. Il a des défauts majeurs qui l’empêcheront d’accéder à la postérité, mais il reste correct.
Du point de vue esthétique, c’est assez grossier dans l’ensemble, pas véritablement une réussite : l’univers proposé n’est pas particulièrement inventif - dans le sens où rien n’est “jamais vu“ par rapport à la SF - et échoue à composer des tableaux à couper le souffle comme le feraient la plupart des autres spaces-opéras. Au contact avec les graphismes, on a tout au plus l’impression de voir une sorte de mélange entre des précédents films de Besson comme Le Cinquième Élément ou Arthur et les Minimoys.
Au cas où l’envie vous prendrait - un coup de tête comme un autre - de payer un supplément ou d’acheter des énormes lunettes grisâtres au design souvent douteux, sachez qu’il vaut mieux éviter la 3D. Cette dernière est de piètre qualité et littéralement inutile : rendez-vous compte, pas une seule créature ne vient avaler l’écran en deux heures et quart, pas une seule ! La 3D nuit au film, et rend - très - souvent ses paysages complexes purement illisibles, créant un effet de flou très brouillon.
Du côté de vue du scénario, on privilégie encore une fois la simplicité à la qualité. Manichéen au possible ; les ficelles du scénario sont énormes. Mais ça fonctionne, même si c'est outrageusement grand public parfois (plus didactique tu meurs). Par exemple, au lieu d’amener petit à petit les évolutions de la “cité des mille planètes“, la réalisation choisit d’imposer un topo de l’ordinateur de bord aux héros… héros qui - en théorie - sont tout de même un peu plus au courant que le spectateur du fonctionnement de leur univers, mais font donc office de prétexte. L’histoire demeure donc intéressante, puisqu’assez fournie. Un rythme se crée au gré des - très aléatoires et non moins improbables - pérégrinations des héros. Le spectateur initié pourra également se plaire à repérer les nombreux caméos de réalisateurs français. Mathieu Kassovitz et Alain Chabat apparaissent dans le film. Si, si.
Ayons de plus une pensée émue pour le personnage de Rihanna, qui parvient à la fois à être prétexte à remplir le scénario et un deus ex machina à haut degré d’inutilité… tout en étant relativement mal joué.
Relativement, puisque DeHaan et Delevigne ne brillent pas par leurs talents d’acteurs non plus. Même si Laureline et Valérian sont probablement les pires personnages de Besson en termes d'écriture : inintéressants, lisses et unilatéraux, aucune tentative d’acting ne viendra les perturber durant tout le film.
D’ailleurs, il convient de remarquer également que le film s’empêtre dans une pseudo critique du machisme. Alors qu’il oublie l’héroïne dans son titre même. Du grand art. Ainsi, Laureline fait mine de s’émanciper alors que le film l’en empêche dans sa structure. Elle lance des remarques à Valérian, mais le film passe son temps à la sur-féminiser : elle commence le film en bikini ; ensuite en "touriste" à moitié nue ; son armure est suggestive ; elle apparaît enfin en robe rapidement déchirée. D’ailleurs, quand elle prend l’avantage sur Valérian, les situations sont tournées en déraison ; en fait : « regardez, une femme dépasse un homme : drôle, non ? ». Très ambivalent, donc.
Pour conclure, disons que Valérian, malgré ses énormes défauts, tient ses promesses de blockbuster moyenne game. Fustiger Besson et sa filmographie depuis Le Cinquième Élément - depuis 97, donc - c’est toujours possible, et je serai le premier à le faire. Néanmoins, évitons la pétition de principe. Il nous propose un produit qui aurait sans doute été bien meilleur dans les mains d’un vrai artiste (le potentiel était élevé), mais un produit efficace.
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