Mens sana in corpore (pas tout à fait) sano
avec Michel Houellebecq et Gérard Depardieu
Vous rêviez de torturer Michel Houellebecq ? Les soignants de l’hôtel Thalazur de Cabourg le font pour vous (et c’est formidable).
Le pauvre Michel est en cure de remise en forme mais chaque soin qui lui est proposé est un nouveau supplice. Non, décidément, pour le Houellebecq matériel (les particules de Houellebecq) c’est fichu ; reste l’esprit peut-être.
Pourtant, le piège s’est refermé, Michel a été abandonné dans cet hôtel où l’on ne peut même pas fumer sur la terrasse. Et puis d’abord, c’est quoi ce restaurant où les vins sont enfermés dans une vitrine fermée à double tour ?
Arrive ensuite Gérard Depardieu, qui pour remédier à ce problème est venu avec l’intégralité de sa cave à vins ; il se balade avec des billets de 50€ dans son peignoir. Il errent dans l’hôtel et leurs conversations sont à la fois géniales et terribles.
Quelques saillies sur la démocratie (apprenez que la Suède est l’une des pire dictatures au monde), sur la vieillesse, des thèmes chers à Houellebecq donc ; un dialogue plus étonnant autour de la mort dans lequel Michel Houellebecq se révèle bon acteur en dépassant son propre personnage.
Les deux compères jouent leurs propres rôles en développant une sorte de version fantasmée d’eux-mêmes. Leurs corps sont d’ailleurs des personnages à part entière : la pudeur n’est pas au menu (le velouté de courge, par contre…). Michel est squelettique, Gérard légèrement enrobé ; Laurel et Hardy sont évoqués par un personnage secondaire… L’idée est là mais plutôt qu’un comique de situation, la quasi-nudité forcée par le complexe balnéaire révèle une grande fragilité.
Après un délicieux « y’a que ceux qui boivent qui ont des cirrhoses » par un Depardieu qu’on a rarement vu sans un verre à la main depuis le début du film, Guillaume Nicloux essaye de reprendre le contrôle de son film en relançant une intrigue liée à celle de L’Enlèvement de Michel Houellebecq (2014). Il introduit cinq personnages extérieurs (cinq acteurs plutôt mauvais), pas totalement dépourvu d’intérêt mais qui mettent un terme à l’état de grâce dans lequel baignait la première heure du film. L’arrivée d’une troisième célébrité, ou en tous cas, le doute sur la réalité de sa présence, suscitera encore de sporadiques moments hors du temps.
Dans les dernières minutes, le réalisateur emmène sa petite troupe nouvellement constituée cahin-caha - quelques bons moments, impliquant notamment un tirage de cartes ou encore une transplantation du coeur - jusqu’à un final à la fois brusque et pas tout à fait conclusif.
Ainsi, Thalasso est un film absolument réussi au niveau de l’ambiance qui, même s’il séduit moins lorsqu’il essaie de revenir à la fiction, présente deux célébrités dans leur fragilité et s’efforce de répondre à la question suivante : que faire du vieillissement des corps ?
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