Do you know anything about witches ?
avec Tilda Swinton, Dakota Johnson, Mia Goth, ...
Tout d’abord, il semble opportun d’affirmer que cette version de Suspiria par Luca Guadagnino est un bon remake, dans le sens où en plus d'apporter des enjeux complètement différents, elle sait trouver sa marque sur le plan purement formel. L’oeuvre d’Argento était profondément inscrite dans le giallo, un remake permet de proposer un contexte différent, une vision différente du mythe Suspiria à un nouveau public.
Le nom n'est en tout cas pas usurpé ; je pense même avoir préféré ce remake au film original.
Le travail sonore est absolument incroyable : lorsque Argento se reposait principalement sur une bande originale ensorcelante (les désormais cultissimes et terrifiantes notes de Goblin), Suspiria propose le meilleur design sonore de l’année ; Thom Yorke livre quant à lui une bande originale envoûtante parce que discordante, qui rappellerait presque parfois celle (des deux versions) de Blade Runner. Le bâtiment - un lugubre hôtel particulier dans le plus pur style RDA - tant que les corps ont leurs musiques propres et leurs bruitages dérangeants ; ils animent le film. Le résultant est saisissant et terrifiant.
Ce film marque également le retour en force de l’omniprésence des corps dans ce que filme le réalisateur (après un CMBYN définitivement trop prude et intellectualisant) ; celui de ses fabuleux zooms sensorielo-guadagninesques également. Dans Suspiria, la danse est secondaire aux corps qu’elle anime : ce qui importe, ce sont les mouvements et torsions des masses de chair. Le réalisateur renoue avec ce qui a été l’obsession de ses premiers films et transpose cette fascination en émotion négative : exit l’érotisme de Amore et Melissa P, les corps de Suspiria inquiètent.
Guadagnino explore l'école de danse Markos ainsi que les consciences de ses occupantes de façon bien plus approfondie que son prédécesseur qui en comparaison semble s’être livré uniquement à de l’esbroufe visuelle. On pourrait presque lui reprocher d’être trop explicite sur certains aspects psychologiques dans la mesure où certain des personnages ne sont définis que par un trait de caractère. Pièce par pièce, il documente la vie - visible et invisible - de l’école.
Il rejoint toutefois Argento dans son final : l'horreur est encore une fois atteinte, elle est même bien plus graphique, insoutenable... Et logique, cette fois-ci : le public dispose désormais d’une partie des éléments pour comprendre le mythe Suspiria. L'écran vire au rouge sur fond de musique pop et l'inqualifiable se poursuit. Le spectateur est témoin forcé, exactement dans la même position (les vêtements en plus) que le malheureux psychologue joué par Tilda Swinton.
Suspira est insaisissable, chaotique et torturé mais jamais insensé : c’est ce qui fait sa réussite.
Léger bémol, par contre : Luca ne peut toujours pas s'empêcher d'écrire des dialogues en français... Sans que cela ne serve le film d'aucune manière. Passons.
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