Combien de marins, combien de capitaines


Kursk, un film de Thomas Vinterberg 
avec Matthias Schoenaerts, August Diehl, Max von Sydow, Colin Firth

Kursk apparaît comme disposant d’un fort potentiel Vinterberg : on y parle famille et politique à travers un huis-clos (encore plus absolu que d’habitude puisque situé dans un monstre de métal à plusieurs centaines de la mètre sous la surface de la mer. Même le fait que ce soit un film inspiré de faits historiques n’est pas détonnant, dans la mesure où Vinterberg est également - on aurait tendance à l’oublier - le réalisateur d’une adaptation d’un roman de Thomas Hardy, Far From the Madding Crowd (se déroulant à l’époque victorienne, donc). 
Le traitement que le réalisateur danois fait des événements demeure somme toute plutôt consensuel, surtout pour l’auteur des caustiques Festen et Jagten (La Chasse). 

Kursk est un bon film. Tout y pensé et maîtrisé (les moments de tensions sont notamment excellents, cf. la plongée à la recherche des cartouches d’oxygène) ; parfois même un peu trop : finalement, ce serait presque lisse tant tout semble s’enchaîner logiquement. Vinterberg propose de belles idées de réalisation, comme ce passage du 4/3 au 16/9ème en parallèle avec la progression de l’intrigue : bien que très métaphorique, le changement de format paraît en tous cas moins puéril que par exemple celui d’un Dolan dans… Vous savez. L’action demeure toujours lisible et le film reste presque systématiquement surprenant pour qui ne connaît pas les détails de l’incident. 
Les performances des comédiens sont impeccables que ce soit du côté de ceux qui sont piégés dans le sous-marin que de celui des amiraux qui théorisent à l’extérieur ; au delà du fait que Vinterberg excelle généralement dans la direction de ses acteurs, il faut ajouter que Matthias Schoenaerts est décidément un monstre de cinéma terriblement méconnu. Le fait que le film soit entièrement tourné en anglais - et donc que marins russes parlent la même langue que tacticiens anglais - peut choquer dans un premier temps, mais la sincérité du jeu de ces hommes aux portes de la mort le fait vite oublier. On ne regrettera finalement que le surjeu de Léa Seydoux en femme de marin toujours plus éplorée. 


Malheureusement, le résultat final - du moins, ce qu’il reste après le film - est en demie-teinte parce que peu virulent.  Il est vrai que l’affaire du Kursk demeure teintée de mystère (et d’évitements politiques) mais n’était-ce pas là le meilleur des prétextes pour l’interpréter et éventuellement dresser un portrait à charge ? On a connu Vinterberg autrement plus qu’incisif qu’avec ce film dans lequel il se contente essentiellement de lancer des pistes (des problématiques) tout en se concentrant vraiment sur l’humain et les sentiments. Malgré une réelle maîtrise du matériau cinématographique par Vinterberg, Kursk ne se différencie donc en définitive que peu de tous ces films qui observent un ou plusieurs personnages enfermés par accident attendre leur délivrance.  






+ complément : le documentaire de Jean-Michel Carré (et son analyse particulière) sur le Kursk : 
https://www.canal-u.tv/video/cerimes/koursk_un_sous_marin_en_eaux_troubles.13454

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