REVENGEANCE
La Vengeresse, un film de Bill Plymton et Jim Lujan
Avec les voix de Jim Lujan et de Sara Ulloa
Vu au Festival du film subversif de Metz.
La Vengeresse (traduction LÉGÈREMENT hasardeuse de « Revengeance » qui jouait justement sur l’exacerbation puisque c’est un mot qui n’existe pas en anglais), film d’animation sous speed.
Il y a toujours eu deux poids deux mesures dans le milieu de l’animation. D’une part , l’animation “lisse“ [synonyme ici de plaisant ou consensuel, pas toujours négatif pour autant] qu’elle soit réservée aux enfants ou ouverte aux adultes comme les derniers films Pixar qui évoluent sur plusieurs niveaux ; de l’autre, l’animation “adulte“ qui n’a rien à envier aux films intellectuello-auteurisants “live“ au niveau des thèmes abordés (Max & Mary, Le Magasin des Suicides, …) puisque l’animation lui permet un point de vue inhabituel.
La Vengeresse n’appartient pas à la seconde catégorie : le film, une satyre sulfureuse dans laquelle rien ni personne n’est épargné, pas même le spectateur, évolue dans une catégorie bien à lui. Trash serait un faible mot pour la nommer, surtout lorsqu’on sait que l’adjectif a été utilisé pour parler de Sausage Party, plutôt soft sur l’échelle Revengeance.
Venez pour Bill Plympton, repartez avec Jim Lujan.
Lujan est le créateur quasi-inconnu - mais terriblement déterminé et prolifique - qui signe le scénario. En trois mois. Qui double la moitié des personnages (cinq ou six, tous très différents). Et qui compose la bande originale. Le tout sur une collaboration avec Plympton, auquel il avait simplement remis un DVD de son travail lors du comic-con de nombreuses années auparavant.
Ce film est donc une œuvre qui en définitive avait bien plus de chance de ne pas exister que le contraire ; mais également une fantastique histoire de coopération. Un artiste au statut déjà établi permet à un artiste en devenir - lui, totalement inconnu - d’exercer son art, en étant de fait une sorte de caution par son travail d’animateur.
Les deux hommes parviennent à une synthèse de Tex Avery et Quentin Tarantino… dans le sens où sans les limites physiques (et de crédibilité) du cinéma en live-action, Lujan et Plympton peuvent tout se permettre avec leurs personnages, dans une violence totalement fantasmée. Ce qui s’illustre parfaitement par ces scènes où les bikers se servent de leurs motos comme armes : un personnage se fait notamment rouler sur le visage (littéralement)… alors qu’il est debout. Les lois de la physique sont allègrement bafouées - tout comme celles de l’anatomie, caricature oblige - pour un résultat assez jouissif.
L’histoire se veut être une satyre, à la fois du polar américain (le genre) et de l’Amérique et ceux qui la peuplent. Au niveau du genre, il se base sur le personnage de Rod Rosse “the one man bosse“ (l’homme escouade, charmant) chasseur de primes qui est profondément inadapté au métier qu’il exerce… ce que sa mère ne manquera pas de lui rappeler, avec un acerbe « you’re not your father, Rod ». Le pauvre Rod, qui joue en quelque sorte avec les codes d’une profession dont il ne fait pas partie (lorsqu’il est engagé sur un contrat, les trois autres chasseurs de primes ne manqueront pas de lui rappeler) devient donc à la fois ressort comique attachant et moyen de dénonciation. Pour ce qui est de la satyre du pays, chacun des personnages est une caricature profonde du rôle qu’il incarne. Du biker/catcheur devenu sénateur (qui a le même ego et s’exprime comme l’actuel président des États-Unis, au passage) au baron de la drogue local en passant par la jeune fille surentraînée et avide de vengeance, pas un seul n’en prend pas pour son grade. Globalement, la seule figure que Lujan et Plymton souhaitent respecter est celle de la mère de Rod qui apparaît comme le seul personnage positif du film, bien que légèrement sur-protectrice sur les bords. Elle n’en reste pas moins un contrepied humoristique.
En conclusion, même si La Vengeresse n’est pas le premier film du genre, il a son propre style et déborde d’inventivité et d’originalité… ce qui n’est pas rien l’année de la sortie de Transformers 5. Cinq. Et de Fast & Furious 8. Huit. Il est également un bel exemple de ce que l’indépendant peut faire de mieux, a fortiori lorsqu’il accorde sa chance à des créateurs talentueux qui ne demandent qu’à acquérir de l’expérience.
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