Revanche genrée

Message from the King, un film de Fabrice Du Weltz
Avec Chadwick Boseman, Theresa Palmer, Luke Evans

Message from the King est aussi insaisissable que son personnage principal. Revenge-movie filmé comme un western urbain, thriller cruel par moments… une oeuvre inhabituelle et genrée.

Tout d’abord, le film propose une certaine qualité d’interprétation : de la part de Chadwick Boseman (interprète de la Panthère noire du MCU) qui passe de la contemplation désabusée à la violence brute avec aisance ; mais tout autant des seconds rôles (Theresa Palmer, Luke Evans, …) qui parviennent à s’imposer. Les personnages sont véritablement archétypaux (aucun n’y échappe), mais chacun des acteurs arrive à dépasser - et de loin - son personnage pour lui donner une touche personnelle, une réelle couleur. Le meilleur exemple étant celui de Luke Evans (qui est décidément beaucoup trop bon, voir aussi High Rise de Ben Wheatley) qui habite le film malgré son faible temps de présence à l’écran. 

De fait, il y a véritablement  quelque chose de singulier dans la manière même de Du Weltz de penser ses personnages. La scène de la morgue, qui lance le film, en est la parfaite représentation : le légiste plaisante, essaie de rendre la recherche de Jacob plus facile et sa présence en ces lieux moins difficile … jusqu’à ce que, soudainement, « mec, me dis pas que c’est elle… ». Mis de force face à la situation - et à une image crue d’un cadavre défiguré - il devient lui-même spectateur du film et des événements futurs, et annonce le début de l’engrenage aux spectateurs, les vrais, qui sont dans la salle. 

Il est difficile de faire un “bon“ - entendez par là “intelligent“ - revenge-movie, mais Du Weltz prouve que faire moins c’est faire mieux. Ici, les quelques postulats de départs sont aussi simples que le résultat final est puissant.  Une classique dichotomie sociale se fait toile de fond. Au fur et à mesure du développement de l’intrigue, l’immense écart entre l’humanité et la droiture de ceux qui n’ont rien et la déliquescence (les atrocités) des personnages aisés [aisé étant ici synonyme de luxure] se creuse. 
Jacob King arrive aux Etats-Unis avec 600 dollars en poche et rien d’autre ; la scène de l’aéroport illustre d’ailleurs son dénuement face à ce qui l’attend. Tout en faisant “sa“ justice, il ne perd pas pour autant ses valeurs. sa relation avec le personnage de Theresa Palmer fonctionne dans les deux sens. Elle n’est pas qu’un élément de sa vengeance, mais bien plus une transposition : il n’a pas pu secourir sa soeur à temps, il sauvera une mère et sa fille. 

En termes d’esthétique, sous la caméra de Du Weltz et la photographie de Monica Lenczewkca- dignes héritiers des romans de James Ellroy -,  Los Angeles devient également un personnage à part entière. Intrinsèquement sombre et brutale, elle n’est pas que décor ; elle est, elle provoque. 
Le choix de la pellicule s’impose comme une évidence, permet à la fois de donner du corps à l’oeuvre tout en rapprochant le spectateur de Jacob. Ici, pas de grandiloquence, d’artifices : tout est brut, direct et pur. 
Un bémol néanmoins, quelques scènes d'actions (filmées en 35mm et dans la pénombre... oui) sont illisibles. D’une certaine manière, cela peut être expliqué par le fait que Du Weltz prend le parti de ne pas filmer la violence, mais plutôt ses conséquences. Ainsi, la manière dont King étrangle l’un des assassins de sa soeur importe moins que le résultat : son ennemi suffoque. 

Toutefois, Message from the King souffre de sa production. [Un parmi tant d’autres]. Message from the King est en effet un film de commande dans la filmographie plutôt “indé“ du réalisateur. Du Weltz est le premier à le dire, refuser ce film aurait été folie, mais on sent tout de même que ce n’est pas tout à fait le sien. Certains passages, et notamment certains (honteux) flash-backs (au ralenti) sur son enfance à Johannesburg dénotent avec le reste, n’apportent rien mais sont plutôt là pour rendre le personnage sympathique - parfois presque l’excuser - aux yeux du public. Cependant, si le réalisateur s’estime heureux de ce qu’il a pu faire sans avoir de final-cut, apprécions ce qui nous est proposé. 


Le film n’est sorti en salles qu’en France, et ne sortira que sur Netflix partout ailleurs dans le monde. Que ce soit le résultat d’une obscure stratégie marketing ou de l’exception culturelle française, Message from the King vaut le détour et il serait dommage de ne pas le voir sur grand écran.  

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