La fin d'un monde ?

Juste la fin du monde, un film de Xavier Dolan
avec Nathalie Baye, Vincent Cassel, Marion Cotillard, Gaspard Ulliel et Léa Seydoux


Avant toute chose, avant toute analyse plus poussée, mettons des mots sur le ressenti général : ce film est une énorme déception, doublé d’une énorme incompréhension. 

Xavier, Xavier, Xavier. 
Je t’adore, mais rien ne va plus entre nous en ce moment. Notre relation était déjà compliquée depuis Mommy, mais là, il va falloir qu’on fasse un break, ce n’est plus possible autrement. 



C’est vrai, j’ai une posture assez facile, désabusée, même : dans un Dolan, c’est le côté artisanal et la sincérité qui priment ; rien n’a pu être plus émouvant que la sincère simplicité de J’ai tué ma mère. Ce n’est pas tant le budget que je critique, mais plutôt le casting cinq, que dis-je, dix-sept étoiles : ces êtres, dont le métier est de jouer, finissent par le faire d’une manière assez conditionnée. Ils sont habitués à leur type de rôle, et pour moi une perte de sincérité s’en ressent. Nous y reviendrons. 

Commençons par le côté technique. Ce n’est rien de plus que du théâtre filmé, mais avec un côté agaçant (voir éprouvant) puisque non assumé : Xav multiplie les gros plans outranciers pour essayer de s’échapper de son huis-clos… mais n’y parvient pas, pour un résultat qui nuit beaucoup à la fluidité. De la même manière, il essaie de renouveler l’atmosphère avec quelques flash-backs et une virée en voiture, mais rien n’y fait, la réalisation est lourde et ennuyante. 

Passons maintenant aux acteurs. Ces derniers font le job, mais sans rien de transcendant pour la plupart d’entre eux. Nathalie Baye… joue simplement une vieille femme, presque sénile (qui essaie désespérément de paraître jeune), elle n’est jamais très loin du surjeu. 
Vincent Cassel, lui, peine à convaincre dans son rôle de prolo dépassé par les événements : il est bien loin de l’incarnation d’un homme simple, ce qui rend son personnage difficile à suivre - et même à comprendre - puisque joué à la Cassel, c’est à dire avec beaucoup de prestance. 
Marion Cotillard semble quant à elle avoir pris le parti de bégayer, les yeux écarquillés, pendant tout le film. Tant mieux pour elle, je suis las de critiquer son style de jeu inexpressif au possible. 
Seuls Gaspard Ulliel et Léa Seydoux sont convaincants : le premier, loin de son rôle d’Apollon habituel, joue un personnage beaucoup plus mesuré, beaucoup plus fragile. Il porte le film presque à lui tout seul. Presque, puisque la seconde passe habilement par toute une palette d’émotions (palette dont on ignorait l’existence jusqu’alors) avec mesure et finesse. 

Enfin, abordons maintenant le véritable problème du film : le scénario. De ce point de vue, la pièce de théâtre devait être encore plus incompréhensible puisque statique, d’ailleurs]. Le film repose sur des non-dits… qui sont des non-dits absolus, puisque même pas suggérés ; ils semblerait que, systématiquement, les personnages qu’on n’a pas vu à l’écran depuis cinq minutes ont eu une conversation existentielle sur le sens de la vie entre eux avant de réapparaitre. On ne sait jamais qu’est ce qu’il a pu se passer dans la tête des personnages pour qu’ils changent de position si soudainement. 
De même, les rapports entre les personnages sont d’entrée de jeu si violents qu’ils sont impossible à comprendre ; ils sont beaucoup trop compliqués, et surtout cette violence, n’est jamais justifiée. 
Le spectateur doit à chaque instant prendre position et décider de ce qu’il veut comprendre, ce qui, bien utilisé dans un véritable thriller par exemple, aurait pu être fantastique, devient ici lourd et malaisant. 

La maladie - sujet et origine du film - n’est pas révélée, et on passe l’intégralité du film à attendre le climax qui consisterait en la mise à nu du personnage de Gaspard Ulliel, climax qui ne viendra jamais, nous laissant après la dernière scène avec un arrière gout rance dans la bouche, tant elle n’est ni conclusive ni même suspensive : le film lâche son propos et balance le générique. 

En prenant ce film par rapport à la filmographie dans laquelle il s’inscrit, plusieurs questions apparaissent :  
Xavier Dolan peut-il devenir un auteur ? Pourra-t-il traiter n’importe quel sujet avec l’exigence d’un Hanneke, d’un Coppola ou d’un Soderbergh ? Ses quatre (ou cinq, c’est selon) coups de génie sont-ils réitérables ? 


Finalement, la question principale est assez simple : Xavier Dolan peut-il faire un film qui ne lui soit pas “personnel“ ? Je n’en suis plus si sûr. 

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