Nocturama : Paris aurait dû être une fête

Nocturama, un film de Bertrand Bonello
avec Finnegan Oldfield, Rabah Nait Oufellah, Vincent Rottiers, ...


Nocturama, c’est avant tout un découpage en deux parties, un avant et un après. Deux parties profondément différentes dans la forme - l’une rapide et rythmée, l’autre lente et profondément contemplative - mais qui poursuivent la même finalité : raconter une quête. 

Une quête oui. De quoi, ce n’est pas précisé. Les personnages sont révoltés, ils décident de porter leur cause au grand jour. Oui, mais quelle cause ? Tout l’intérêt du film repose dans le fait qu’on ne le sait pas. Si le “comment“  est expliqué, le “pourquoi“ est entièrement à la charge du spectateur.  

La première partie, qui a tout de la conclusion d’un film de casse (style Ocean’s Eleven de Soderbergh) : un ballet de protagonistes accomplissant une chorégraphie, exécutant une mission, un montage rythmé, qui montre la progression du plan et de chaque action prévue au millimètre, laisse le spectateur dans l’incompréhension, lui laissant le soin de faire toutes les hypothèses possibles. 
Progressivement, des flash-backs s’intercalent, flash-backs qui… n’apportent aucune explication, en fait. Toujours dans l’explication du comment, et non du pourquoi, on assiste aux rencontres passées de chacun des membres du groupe et à la constitution d’un plan, d’un Gunpowder Plot final pour… leur cause, quelle qu’elle soit. 

La deuxième partie - qui débute donc après ce feu d’artifice (presque) parfait - est d’une puissance incroyable. Reclus dans un magasin, mais sans celui qui semblait être leur “guide“ (je choisis sciemment un mot lourd idéologiquement), ils doivent maintenant survivre à la nuit, et à leur états d’âme. Même si ce choix de refuge reste discutable - un lieu grandement exposé, tout de même -, il est le lieu de toutes les réflexions. A la fois temple du capitalisme (auquel il ont sans doute voulu porter un coup, mais comment savoir ?) et refuge indispensable puisque forcé, il devient lieu du déchaînement de toutes les passions. 

C’est là ce qui fait de Nocturama un chef d’oeuvre : la confrontation des personnages avec eux-mêmes, dans un huis-clos partagé avec le spectateur, qui a aucun moment n’en sait plus qu’eux. On assiste donc à des scènes extrêmement fortes symboliquement, comme celle où Yacine rencontre son alter ego, en la personne d’un mannequin habillé comme lui (mais avec des fringues de luxe, évidemment)… l’un finit même par lancer « c’est eux [le magasin] qu’on aurait du faire sauter], montrant leur difficulté à concilier leurs actes et leur comportement dans ce temple du consumérisme.

Petit point technique : les split-screens habituels de Bonello sont bien présents, mais cette fois-ci dans une forme beaucoup moins “onirique“ que ceux qu’on avait pu voir dans L’Apollonide et Saint Laurent : ici, les écrans de sécurité forment le split-screen, lui donnant une dimension tangible. Les passages des personnages devant les différentes caméras du magasin lors de la scène finale sont admirablement orchestrés, pour un poids narratif encore plus fort. 

Il est en fait presqu’impossible d’écrire un article objectif sur ce film : ce n’est pas une oeuvre qu’on analyse pendant des heures, plan par plan, à la recherche des moyens et idées, tentant de trouver des significations. Non, c’est un film qu’on vit, qu’on ressent. c’est un film qui fait appel à l’émotionnel enfoui - surtout par rapport à l’actualité, bien que le film a été conçu en 2011 -, un film qui ne laisse pas indifférent : du grand Cinéma. 

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