[Billet] Les comédies et LA MORT (Décembre 2019)



Last Christmas (Paul Feig) / Le Meilleur reste à venir (Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière) 

S’ils ont l’air d’être deux extrêmes au premier abord, Sympathie pour le diable et Le meilleur reste à venir ont peut être plus de points communs que l’on ne voudrait bien le croire. Tous deux présentent des personnages qui ne plaisantent pas avec la mort. Pas comme Jumanji : Next Level dans lequel on les protagonistes ont trois vies - cela permet de mourir deux fois, soit au moins une de trop. 

Ceci est un billet sur la mort dans la comédie ; non pas la mort de la comédie, pour ça voyez du côté des films UGC qui impliquent une famille et (au moins) un stéréotype. 

Pour ce qui est du nouveau film des auteurs du Prénom, la bande annonce annonce clairement les enjeux : le personnage de Patrick Bruel a un cancer, celui de Fabrice Luchini ne sait pas comment le lui annoncer. Ce titre, « Le meilleur reste à venir » fait en définitive figure de mode d’emploi. Les premières minutes sont presque laborieuses, Patrick Bruel se caricature lui-même sans que l’on ne puisse déterminer s’il s’agit de second degré ou non. Une chute burlesque, direction l’hôpital et la meilleure partie du film peut débuter. 
Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière souhaitent étudier la place que peut prendre la mort dans une relation - en fait, dans toutes les relations. 


Fabrice Luchini livre une des ses meilleurs interprétations. Pour la première fois peut-être, on le sent réellement en situation de fragilité. Son personnage est brillant, certes, mais pas dans son rapport avec les autres ce qui est pour une fois adressé de front par les cinéastes. C’est d’ailleurs précisément à cause de sa difficulté à communiquer qu’il tombe dans le quiproquo dont découle le film. 
Les deux personnages font donc face à la mort. L’un parce qu’il sait que l’autre va mourir, l’autre parce qu’il croit que l’autre va mourir. C’est l’occasion de montrer deux adultes en train de faire toutes les conneries dont ils ont rêvé, l’occasion également de présenter une vraie amitié entre hommes, qui n’est pas basée sur des rapports de virilité mais bien sur un amour profond. 
La mort n’est pas un moment mais une ellipse dans le film - de même que les mots de Luchini lorsqu’il finit par annoncer sa maladie à son ami - mais la souffrance bien réelle, et c’est ça qui frappe, particulièrement dans un film qui se présentait volontiers comme une comédie. Le film n’est pas exempt de défauts, particulièrement dans sa volonté de tout de même rester drôle qui l’amène à quelques blagues faciles, mais demeure particulièrement honnête à ce niveau. 

Last Christmas reste le plus trompeur des deux, dans la mesure où il avance masqué et revêt les atours d’une comédie romantique de Noël. Peu importe la façon dont on nous l’aura présenté, le scénario d’Emma Thompson se déroule à mille lieues du morceau éponyme de George Michael. 


Spoilers ahead - 
« I gave you my heart ». Last Christmas est loin d’être cheesy (il évacue en fait la plupart de ses aspects « mièvres » dans un personnage secondaire, malin) et se révèle même troublant d’actualité. Plusieurs saillies sur la question de l’immigration au Royaume uni feraient presque figure d’anomalie dans une œuvre de cet acabit. 
Revenons en au cœur - vous l’avez ? - de ce billet. 
Il lui a donné son cœur. Littéralement. Il en est mort - non, c’est parce qu’il en est mort qu’il a pu lui donner son cœur, il faut suivre. Aux deux tiers du film, le scénario opère un virage à angle droit. Tout ce à quoi le spectateur vient d’assister n’a pas existé autre part que dans la tête du personnage d’Emilia Clarke ; on comprend pourquoi tout paraissait si sérieux. Et en même temps, on se sent floué, c’était évident - aucune de leurs conversations n’a finalement impliqué une troisième personne. Le charmant jeune homme (incarné par Henry Golding) n’est plus, même s'il a aidé l’héroïne à sa manière. 
Last Christmas traite aussi des suites d’une dépression. La métaphore est grossière mais pourtant discrète au premier visionnage ; évidemment, un personnage qui passe son temps à dire de regarder vers le haut, cela signifie quelque chose. Ce n’est pour autant pas un mauvais conseil

Point de synthèse donc, en plus de traiter de la mort de façon frontale, les deux films présentent des personnages coincés avec eux-mêmes, victimes de leurs défauts. Cela dit, qu’ils soient supposément une ratée comme Emilia Clarke ou supposément brillants mais invivables comme Fabrice Luchini, rien n’est figé. 

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