"Vivement qu’on la brûle"



Bruno Dumont est un réalisateur plus que singulier - on pourrait le dire « radical » mais ce serait trop simple. 
Il place son film pile au niveau de la ligne d’incertitude, à cet endroit où on se demande s’il n’est pas en train de se foutre de notre gueule. Pardonnez mon langage. En réalité, il est simplement en train de composer minutieusement quelque chose de différent où tout fait sens pour peu qu’on fasse l’effort de l’énoncer à voix haute. 

Jeanne entend des voix - non, une voix. Jeanne regarde le ciel - et nous aussi - pendant de longues minutes. Des accords exaltés style ambiant retentissent. On regarde toujours le ciel mais impossible d'y discerner quoi que ce soit ; normal, en même temps. 

Globalement, tout le monde joue mal - à moins que, peut-être en fait qu’ils ne jouent pas. Bruno Dumont cherche des visages et des voix, pas des acteurs : son casting aligne des physiques bigarrés, pour lesquels on se demande si l'annonce n'a pas été "cherche physique atypique, vraiment atypique". 

Le procès canonique de Jeanne est grandiose, filmé dans la cathédrale d’Amiens. Les tirades s’enchaînent et le lieu lui-même semble avoir son mot à dire : les motifs baroque fascinent de plus en plus et finissent par nous égarer.

Les enjeux sont à la fois simplistes et difficile à appréhender pour les protagonistes, qui semblent toujours souffrir du fait de participer à l’intrigue. Cependant, l’histoire a déjà parlé, pourquoi s’épancher sur le factuel ? Tout ce qui relève d'un moment historique fantasmé est en définitive bien plus intéressant. À ce titre, le choix de Drumont d'enfermer Jeanne dans des blockhaus de la Seconde Guerre mondiale est particulièrement révélateur 

« C’est embêtant tout ça, vivement qu’on la brûle » déclare un soldat. Dans la salle, certains partagent clairement son opinion. 

Et puis soudain, un moine inquisiteur enlève sa capuche et se met à chanter un ultime poème de Charles Péguy : c’est Christophe lui-même, le sublime est atteint. On comprend mieux pourquoi tous parlaient de sacré sans trop s’en approcher depuis une heure et demie : il attendait simplement d'être convoqué, une fois que nous aurions baissé notre garde. 


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