007 Spectre, un fantasme déchu
007 SPECTRE, réalisé par Sam Mendes (2015)
avec Daniel Craig, Christoph Waltz, Léa Seydoux, Andrew Scott, ...
Il est vrai que depuis Skyfall, j’ai attendu “le prochain James Bond“ avec une envie si grande qu’elle faisait de l’ombre à la terreur que suscite en moi un septième opus d’une bien connue guerre des étoiles (réalisé par un malandrin nommé J. J. Abrams). Néanmoins je m’efforcerai de garder un point de vue des plus objectifs.
007 Spectre est tout d’abord un bon film, et de surcroît un bon film James Bond, pleinement ancré dans la mythologie de la saga. Il est inutile de le nier. Néanmoins, il souffre d’un certain nombre de points faibles.
Le premier d’entre eux est celui de la comparaison avec les précédents films du "cycle 007-Craig". Ce film s’ancre bien plus dans le passé que ne l’avaient fait ses prédécesseurs ; en fait, une pirouette scénaristique légèrement gratuite que nous ne pouvons pas révéler ici le vampirise. Dès le générique - sur fond de Sam Smith, *hm* - on en est d’ailleurs informés, les visages vacillants de Vesper Lynd, du Chiffre, de Silva, de M, et des autres (mais si, voyons, Mathieu Amalric) apparaissants dans un nuage de fumée.
Il me paraît important de souligner que cet opus crée une continuité des premiers de façon assez arbitraire.
Ensuite, évidemment avec Skyfall, aussi réalisé par Sam Mendes. Son deuxième James Bond apparaît comme formaté : moins novateur, moins torturé, en fait plus classique... moins bon ?
La scène d’introduction est grandiose, bien meilleure que la plupart de celles qui l’ont précédées. Elle consiste en un long plan séquence, très rythmé, qui permet même à "Craig Bond" de montrer qu'il s'est assagi (il repousse les avances d'une femme, n'en déplaise aux puristes) et on vibrera volontiers avec Bond et ceux pour qui il est là. La réalisation se permet même un peu d’autodérision, à l’aide de l’arrivée impromptue d’un canapé. Je ne vous en dit pas plus. De même, la dernière partie du film nous fera vibrer sans retenue, emplie d’une tension telle qu’on en ressent rarement au cinéma.
Les scènes emblématiques d’un James Bond traditionnel s'enchaîne sans nécessairement être remises en question. On sent une certaine forme de retenue. Notamment la scène de poursuite en voiture dans les rues de Rome, où, comble de l’horreur pour un puriste, rien n’est détruit. Un airbag de Fiat 500 est tout au plus activé. Rendez vous compte, l’Aston de Bond n’a même pas de balles ! Quant à son poursuivant, on observera Dave Bautista (mais si, vous savez, le catcheur) dans toute la splendeur de l’unique rôle qu’il peut jouer : le porte-flingues musculeux et muet.
Une scène de torture clinique, est bien en deçà de ce qui a pu se faire auparavant, se voulant moderne et fait bien moins d’effet, là où Mads Mikkelsen terrorisait toute une salle en utilisant une simple corde.
Passons à l’opposition, où l’on s’attend à retrouver un némésis au moins aussi bon que Mads Mikkelsen, Javier Bardem et Mathieu Amalric réunis. Autant vous prévenir tout de suite, la réponse est non. Christoph Waltz, qui depuis Big Eyes traverse apparemment dans sa phase “j’aimerais qu’on ne me récompense pas uniquement pour les rôles de méchants, je sais jouer des gentils aussi, j'ai des émotions comme tout le monde“ semble plus triste que machiavélique, et sert une cause bien discutable. Cette cause, sensée être un twist scénaristique majeur, fait l’effet de… rien, elle n’a aucun impact. Waltz se retient de jouer à nouveau le colonel Hans Landa, alors que selon les critères du némésis James Bond, c’est exactement ce qu’il aurait fallu : dans Spectre, il est banal.
L’autre bad-guy, second du premier ne sera pas révélé ici, mais assez tardivement dans le film - néanmoins, vous ne douterez plus de son machiavélisme dès sa deuxième ligne de dialogue. Il ne sert que très peu l'intérêt du scénario, et connaît une mort à son image : faible, pitoyable.
Le Spectre de Vesper Lynd plane sur les James Bond girls. La première d’entre elles, Monica Belluci effectue ni plus ni moins qu’un caméo. Cela paraît invraisemblable qu’on ait pu faire la promotion du film en partie sur sa présence.
Léa Seydoux, quand à elle, fait de son mieux. Elle joue bien - mieux que certains autres -, complète bien Craig, mais au final reste toujours un peu plus victime de son personnage et de la faiblesse de l'écriture de ce derneir que véritable actrice. Elle n’arrive pas à la cheville de Vesper, et seul Bond ne semble pas s’en rendre compte.
Du côté des personnages secondaires le bilan est extrêmement positif. Ralph Fiennes, qui n’avait pu devenir M que quelques minutes dans les derniers instants de Skyfall, s’empare du rôle avec succès. Il incarne un M bien plus mesuré que celui que jouait Judi Dench, fort d’une expérience marquante sur le terrain. On pourra le voir armé, se battant comme débattant avec ses supérieurs. Il est bien plus actif qu’à l’époque Dench, et le scénario - quasiment irréprochable au demeurant - en ressort valorisé. Naomie Harris et Ben Wishaw (Eve Moneypenny et Q) s’impliquent aussi toujours plus. Bien que plus secondaires, leurs personnages font de bien plus longues et utiles apparitions que dans les premiers films, se permettant même de tisser des liens d’amitié avec Bond.
Jesper Christensen, en clochard des montagnes (Mr. White), nous offre aussi une belle interprétation tout en finesse malgré un accent à couper au couteau, qui pose les bases de ce qui va suivre.
Notre acteur principal continue - et achève quasiment - la construction de son personnage de “Craig Bond“. Il a muri, tire à nouveau dans ces cibles, ne tue plus systématiquement tout ce qui pourrait représenter une menace (avant d’interroger ensuite). Il ne fait plus d’erreurs et se permet une émancipation raisonnée. Bref, Daniel Craig joue toujours aussi bien James Bond. On verserait presque une petite larme en connaissant son potentiel départ de la saga ; mais en voyant la fin du film, on le souhaite aussi, en tout bien tout honneur : la pellicule ne peut pas revenir en arrière sans dégâts. Un cinquième film avec Craig serait une insulte au spectateur après ce dénouement.
Bref, ce dernier James Bond laisse un bilan mitigé. Il se laissera regarder, à aucun moment on ne criera au scandale, les acteurs sont pour la plupart dans de très bonnes interprétations. Il génère aussi les frissons et l'admiration attendus d'un des films de la saga ; malheureusement, Sam Mendes ne réussit pas à renouveler la recette de Skyfall - évidemment, c'est un film diffèrent, bien plus respectueux des règles - et l'impression finale en est forcément diminuée. Il demeure un film à voir, mais pas plus de deux fois, on s'en lassera vite.
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