The Hateful Eight : Tarantino²

The Hateful Eight (Les 8 Salopards), un film de Quentin Tarantino
avec Samuel L. Jackson, Kurt Russel, Jennifer Jason Leigh...


Il est vrai que nous n'avons pas eu à patienter longtemps après Django Unchained, tout s'étant enchainé rapidement depuis l'annonce du "huitième film de QT“. En trois ans, tout était prêt, et nous n'attendions plus que la sortie du film ; avec cependant cette petite crainte d'une redite de Django. En vérité, nous le savions ; cela ne pouvait pas être moins bien, selon le théorème de gradation tarantinesque.

The Hateful Eight est tout d’abord une réussite technique admirable. Là où l’utilisation de la pellicule 70mm (abandonnée de tous depuis 1992, tout de même) n’aurait pu être que le caprice d’un réalisateur pseudo nostalgique, Tarantino en tire ici le meilleur parti. Le format contribue à réguler l’ambiance du film : les plans à l’extérieur, des paysages enneigés, d’une profondeur qui génère paradoxalement une sensation d’oppression (impossibilité de savoir jusqu’où les héros pourront aller) ; tandis que les plans à l’intérieur provoquent ainsi l’exact contraire, l’ouverture permettant une vision plus globale de la mercerie, ainsi que de saisir les actions des personnages répartis dans le champ. 

Intéressons-nous maintenant aux acteurs, pour la plupart habitués de l’équipe Tarantino. On remarquera aussi en l’absence de Christoph Waltz un choix avisé, puisqu’il n’aurait pu ici que rejouer son rôle du Dr. Schultz (Django Unchained), et aurait donc forcément généré une sensation de “redite“ des deux précédents films. Samuel L. Jackson et Kurt Russel forment un duo détonnant dès les premières minutes du film, nous faisant sans cesse nous demander lequel fera sauter la cervelle de l’autre en premier. Jackson nous livre une performance remarquable, peu éloignée de ses rôles habituels, mais indéniablement mieux interprétée. Tim Roth et Walton Goggins campent de même admirablement bien des archétypes du cinéma qu’ils ne sont, eux, pas habitués à jouer. 
Channing Tatum fait une apparition impromptue, mais pas d’inquiétude, il disparaît bien vite, comme un diablotin dans sa boîte. 

Cependant, la performance de Jennifer Jason Leigh (et les nominations qu’elle a reçues) est (sont) quant à elle(s) beaucoup plus discutable(s). Certes toujours juste, elle n’en demeure pas moins dans l’hystérie la plus totale, sans réelle capacité de contrôle, tout au long du film. On en viendrait presque à se demander si sa nomination ne tiendrait pas à la quantité de sang et organes humains qu’elle reçoit (et garde !) sur le visage… 

Le chapitrage, ainsi que la déconstruction chronologique, servent admirablement l’histoire. 
L’avant-dernier chapitre, qui narre ce qu’il s’est passé « Earlier that day » a ainsi un poids beaucoup plus important. Le spectateur est mis sous pression, sachant pertinemment qu’il va se passer quelque chose de sale, de méchant, de “tarantinesque“ ; et parallèlement, il veut comprendre ce qu’il se passe dans l’histoire qu’il suivait jusqu’à présent, puisque QT a choisit d’arrêter l’action… en pleine action ! 
Il en résulte ainsi un chapitre d’une rare intensité - bien qu’il ne soit pas le plus violent - pesant à souhait, allant même jusqu'à verser dans le thriller plus que dans le western.

La bande originale. La bande originale. Ennio Morricone prend ENFIN véritablement en charge l’intégralité de la bande son du film, pour un résultat magistral. Paradoxalement, c’est au moment où Tarantino cesse de piquer ça et là quelques parcelles de l’oeuvre de maître Morricone, les remplaçant par les compositions du maître pour son film que l’atmosphère “Tarantino“ est la plus aboutie. Comme ci, auparavant, il n’avait fait que des essais pour se rendre compte de ce que cela pourrait donner, et que par ce film, il accomplissait toutes ses bandes originales depuis Reservoir Dogs.

Le film dure quelques 2h47, mais pas à un seul instant on n’aura trouvé le temps long. 

Finalement, The Hateful Eight, c’est la scène de la cave d’Inglourious Basterds portée à l’échelle d’un film, pour un résultat on ne peut plus jouissif.  

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